La vente d’un fonds de commerce peut paraître une opération assez complexe, car elle met en jeu des sommes parfois considérables. Or, il s’avère que les règles juridiques sont beaucoup moins contraignantes que celles que l’on retrouve lors d’une vente immobilière ou d’une opération de cession de parts sociales par exemple.
Des obligations juridiques moins contraignantes, mais qui protègent aussi bien le vendeur que l’acquéreur.
La vente d’un fonds de commerce en quatre points
La vente d’un fonds de commerce consiste à transférer la propriété d’un fonds de commerce à une personne physique ou morale, en contrepartie d’un prix.
- Quelles sont les conditions pour réaliser cette transaction ?
L’article 1128 du Code civil stipule que les seules conditions requises pour vendre un fonds de commerce sont le consentement de l’acquéreur (la personne qui veut acheter) et du vendeur (le propriétaire). L’article 1583 du Code civil précise que la vente sera « parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ». Dès lors que le vendeur et l’acquéreur se seront accordés sur la valeur du fonds à vendre et sur les éléments le constituant, la vente sera considérée comme réalisée.
- Quelle forme doit avoir l’acte de vente ?
L’article L141-5 du Code de commerce dispose que la vente d’un fonds de commerce peut être constatée par acte notarié ou par acte sous seing privé.
L’acte sous seing privé est un simple contrat rédigé par les parties, avec ou sans avocat, sans obligation de passer devant un notaire ou un officier ministériel (sauf si la vente du fonds de commerce s’accompagne de la vente de l’immeuble où sera exercée l’activité commerciale). Cependant, si l’acte notarié n’est pas obligatoire, il est tout de même recommandé de se faire accompagner par un notaire ou un avocat spécialiste des baux commerciaux, ou au moins par un professionnel de l’immobilier spécialisé dans la vente ou cession de fonds de commerce.
- Les mentions obligatoires devant figurer dans l’acte
L’acte de vente doit, au minimum, contenir le prix et la définition du fonds de commerce objet de la vente.
Jusqu’en 2019, avec la loi n°2019-744 du 19 Juillet 2019, l’article L141-1 du code de commerce prévoyait que devaient figurer dans l’acte de vente, ou acte de cession, les informations suivantes (à défaut, la vente pouvait être annulée) : le nom du précédent vendeur, la date et la nature de l’acte d’acquisition du précédent vendeur et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, le prix des marchandises et du matériel, l’état des privilèges et des nantissements des tiers, le chiffre d’affaires réalisé par le vendeur durant les trois dernières années comptables précédant la vente, les résultats d’exploitation réalisés pendant les trois derniers exercices comptables, le bail commercial, sa date, sa durée ainsi que les adresses respectives du bailleur et du vendeur.
Depuis la loi du 19 Juillet 2019, ces informations ne doivent plus obligatoirement figurer dans l’acte de vente. Néanmoins, il sera toujours recommandé à l’acquéreur de s’informer sur les éléments précités.
- Le prix de vente
Le prix du fonds de commerce est librement déterminé par les parties, c’est-à-dire entre l’acquéreur et le vendeur. Ce prix de cession peut être global lorsqu’il est payé comptant par l’acquéreur mais, dans le cas contraire, il devra être ventilé dans l’acte de vente en trois chiffres distincts :
– le prix des marchandises vendues avec le fonds en dehors du stock qui, lui, fera l’objet d’une évaluation séparée au plus près de la jouissance et facturé à part et en sus du prix du fonds de commerce,
– le prix du matériel (inventaire),
– le prix des éléments incorporels (il s’agit du prix correspondant à la valeur de la clientèle cédée et de la zone de chalandise, du bail commercial, de l’enseigne, etc.).
Quelles sont les obligations d’information du vendeur d’un fonds de commerce ?
Aujourd’hui, le vendeur d’un fonds de commerce est tenu à deux obligations : une obligation générale d’information et une obligation spécifique de communication de certains documents ; obligation prévue par l’article L.141-2 du Code de commerce.
- L’obligation générale d’information
Cette obligation générale d’information est prévue par l’article 1112-1 du Code civil : le vendeur devra communiquer à l’acquéreur toutes les informations qui sont déterminantes pour le consentement de l’acquéreur, dès lors que ce dernier en ignore certaines. Cependant, l’alinéa 2 de l’article 1112-1 du Code civil prévoit que ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation ;en l’espèce, sur l’estimation de la valeur du fonds de commerce vendu que le vendeur pourrait avoir.
- L’obligation de communiquer certains documents
L’article L141-2 du code de commerce prévoit, qu’au jour de la cession du fonds de commerce, le vendeur et l’acquéreur doivent viser un document présentant le chiffre d’affaires mensuel réalisé entre la clôture des derniers exercices comptables et le mois précédant celui de la vente. Pendant trois ans, à compter de l’entrée de l’acquéreur dans le fonds de commerce (l’article L141-2 du code de commerce utilise le terme entrée en jouissance), le vendeur devra mettre à la disposition de l’acquéreur, et à sa demande, tous les documents comptables qu’il a tenus durant les trois exercices comptables qui ont précédé la vente.
Quelles garanties le vendeur du fonds de commerce doit-il fournir ?
Le vendeur du fonds de commerce est tenu de garantir certaines informations transmises à l’acquéreur. Il est également tenu d’une garantie des vices cachés, d’une garantie d’éviction et d’une garantie de non-rétablissement.
- La garantie des informations transmises
Comme précisé précédemment, le vendeur doit communiquer, au plus tard, le jour de la cession du fonds de commerce certaines informations. L’article L141-3 du code de commerce prévoit que le vendeur doit garantir les informations transmises. Si les informations que transmet le vendeur à l’acquéreur, sur le fondement de l’article L141-2 du code de commerce, sont fausses, l’acquéreur pourra demander l’annulation de la vente ou la restitution d’une partie du prix de la vente (article 1644 du code civil). De plus, l’agent immobilier ou l’intermédiaire qui sait que ces informations sont fausses pourra voir sa responsabilité financière engagée (article L141-3 alinéa 2 du code de commerce).
- La garantie des vices cachés
L’article 1641 du code civil prévoit que le vendeur d’un fonds de commerce doit en garantir les vices cachés, vices qui le rendent impropre à son usage ou qui en diminue tellement l’usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acquis ou aurait donné un moindre prix s’il les avait connus.
Quelques exemples de vice cachés en matière de cession de fonds de commerce :
– vices cachés affectant le matériel :
– vices cachés affectant la clientèle, le local ou le bail commercial (absence d’autorisation administrative, absence de contrat de bail commercial ou bail commercial irrégulier ou présence de punaises dans un hôtel).
- La garantie d’éviction
Le vendeur doit garantir l’acquéreur contre les détournements de clientèle opérée par un tiers et contre les troubles de droit émanant d’un tiers. Quelques exemples :
– action en revendication du fonds de commerce par un tiers,
– non-prorogation du bail commercial alors que le vendeur l’avait promise
- La garantie de non-rétablissement
Le vendeur ne doit rien faire qui puisse porter atteinte aux droits de l’acquéreur. Ainsi, il ne peut détourner la clientèle du fonds de commerce qu’il aura vendu.Il s’agit là d’un très ancien principe dégagé par la Cour de cassation depuis 1898 (arrêt de la chambre civile de la cour de cassation du 11 Mai 1898). Selon la Cour de cassation, il s’agit d’une obligation légale qui comprend le devoir de s’abstenir de tout acte de nature à diminuer l’achalandage et à détourner la clientèle du fonds cédé.
Cette règle est, selon la jurisprudence, une règle d’ordre public (Cour de cassation, chambre commerciale, 14 Avril 1992) et les parties au contrat de vente ne peuvent y déroger.
Quelques aspects fiscaux sur la vente des fonds de commerce :
L’article 79 du code général des impôts soumet, au droit d’enregistrement, les mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèle. L’article 1593 du code civil prévoit que les droits de mutation doivent être payés par l’acquéreur, sauf convention contraire passée entre le vendeur et l’acquéreur.
Barème 2020 des droits de mutation, applicables aux cessions à titre onéreux des fonds de commerce :
